Sélection des bibliothécaires – octobre 2025
Une acquisition rare, un sujet inédit, un éclairage sur la période 1848-1914 : dans « La sélection des bibliothécaires », chaque mois, les bibliothécaires du musée d’Orsay vous proposent un regard sur une sélection de quelques ouvrages qu’ils ont souhaité mettre en avant.
Vous pouvez également retrouver l’ensemble des ouvrages, et en particulier toutes les dernières nouveautés mensuelles, sur le site de la bibliothèque de la conservation du musée d’Orsay consultable via le Réseau des bibliothèques des musées nationaux (RBMN).
La sélection de la bibliothèque de ce mois vous est proposée par Alexandre Battaglia [A. B.], Laurent Boucher [L. B.], Julien Graff [J. G.] et Vincent Pierrot [V. P.].

Photo © GrandPalaisRMN (musée d’Orsay) / Hervé Lewandowski

Cote 4 E 2025 34
Consulter sur le catalogue des bibliothèques des musées nationaux
Fantômes ! (catalogue d’exposition, Draguignan, Hôtel départemental des expositions du Var, 21 juin – 28 sept. 2025), Philippe Charlier (dir.), Gand, Snoeck, 2025.
Après les expositions « Zombis. La mort n’est pas une fin » et « Le Dibbouk. Fantôme du monde disparu », présentées respectivement au musée du quai Branly et au Musée d’art et d’histoire du judaïsme en 2024-2025, la figure du fantôme est une nouvelle fois mise à l’honneur à l’Hôtel départemental des expositions du Var à Draguignan. Le catalogue, réalisé sous la direction de Philippe Charlier, met l’accent sur la diversité culturelle de ses représentations et de ses fonctions, autant que sur son universalité dans l’imaginaire humain, par des chapitres thématiques qui en observent la persistance et les déclinaisons dans les pays et les époques les plus variés.
Passerelle entre le monde des morts et celui des vivants, objet de désir ou d’effroi, bienveillant ou malveillant, familier et mystérieux, d’abord purement associé à l’au-delà religieux puis progressivement intégré par la culture profane, le fantôme est investi d’une signification anthropologique profonde que les auteurs de ce catalogue richement illustré s’efforcent de cerner. Très instructif par la largeur de champ géographique et historique dont il fait preuve dans le traitement de son sujet, l’ouvrage consacre une grande partie de ses contributions à la fascination que les fantômes exercent sur le XIXe siècle, notamment à travers la vogue de l’occultisme et du spiritisme. A. B.

Cote 4 E 2025 20
Consulter sur le catalogue des bibliothèques des musées nationaux
Bleu profond, l’océan révélé (exposition, Deauville, Les Franciscaines, 28 juin – 21 sept. 2025), Annie Madet-Vache (dir.), Paris, In Fine éditions d’art, 2025.
Les progrès scientifiques de la fin du XVIIIe siècle ont permis d’explorer un monde jusqu’alors resté mystérieux : l’océan. Grâce aux premières expéditions scientifiques menées dans les années 1740, les recueils de planches représentant la faune et la flore marine se sont multipliés. Les dessins naturalistes ont révélé au grand public les merveilles de la nature et ont inspiré des artistes comme Émile Gallé ou Gustave Moreau.
Avec l’apparition des premiers aquariums d’eau de mer au milieu du XIXe siècle et le développement parallèle des scaphandres, les artistes ont aussi exploré eux-mêmes les fonds marins pour en rapporter de nouvelles images qui semblent venir d’un autre monde. Des tableaux comme ceux qu’Eugen von Ransonnet-Villez réalise grâce à sa cloche de plongée témoignent de l’intérêt croissant des artistes pour le sujet. Dès la fin du XIXe siècle, des explorateurs comme le prince Albert Ier de Monaco partent à l’assaut des abysses, à l’image des personnages du roman de Jules Verne, et rapportent à la surface des spécimens prélevés à plus de 6 000 mètres de profondeur. Ce catalogue, publié à l’occasion de l’exposition « Bleu profond » organisée aux Franciscaines de Deauville en 2025, retrace l’histoire de ces découvertes. J. G.

Cote 4 E 2025 26
Consulter sur le catalogue des bibliothèques des musées nationaux
Paysages de marche. Dans les traces de Rousseau, Courbet, Renoir, Cézanne et les autres (catalogue d’exposition, Ornans, musée départemental Gustave-Courbet, 28 juin – 19 oct. 2025), Benjamin Foudral (dir.), Gand, Snoeck, 2025.
Ce catalogue d’exposition aborde la relation qu’entretiennent quelques-uns des plus grands peintres de plein air avec les paysages, en particulier à travers leur manière d’arpenter les territoires. Par la pratique de la marche, les artistes font corps avec la nature, s’imprègnent de toutes les nuances qui les entourent, recherchent les motifs, la bonne exposition, puis choisissent un point de vue pour poser leur regard. La marche à pied, lente et contemplative, est une mise en mouvement qui permet tout à la fois d’éprouver le génie d’un lieu et d’en acquérir une connaissance fine. Deux démarches principales distinguent les artistes : le cheminement, qui associe une recherche bien déterminée, ou bien la pérégrination, forme d’errance et d’ouverture qui accueille, au fil de la déambulation, l’imprévu et l’inattendu. Dans En lisant, en écrivant (1980), Julien Gracq évoque les vastes panoramas, l’étalement dans l’espace, l’action du paysage sur l’écriture, ou ici l’acte de peindre, qu’il appelle « une ivresse de parcours ». Ce sont ces parcours et les inclinations à recevoir un paysage que retrace cet ouvrage. V. P.

Cote 4 E 2025 31
Consulter sur le catalogue des bibliothèques des musées nationaux
La Manie des tours du monde : de Jules Verne aux premiers globetrotters (catalogue d’exposition, Prangins, Château de Prangins – Musée national suisse, 6 avril – 26 oct. 2025), Raphaël Pieroni et Jean-François Staszak (dir.), Paris, Lienart, 2025.
Le roman de Jules Verne Le Tour du monde en quatre-vingts jours, les archives cinématographiques des opérateurs Lumière et Pathé qui sillonnent le monde, ou encore les expositions universelles dans le dernier tiers du XIXe siècle ont largement contribué à nourrir l’idée d’un vaste monde devenu accessible. Un nouveau type de voyageur, à l’image de Phileas Fogg, apparaît dans les classes sociales les plus favorisées. En plein essor, tous les moyens de transport rivalisent pour atteindre les horizons les plus reculés : le chemin de fer, l’avion, le paquebot. Cette nouvelle ère d’exploration et de récits de voyages marque les débuts du tourisme à l’échelle planétaire. Parmi ces nouveaux globetrotters, des amateurs d’art profitent de leurs escales en Égypte, en Inde ou encore au Japon pour enrichir leurs collections. Un volet de l’exposition est dédié à ceux que leurs ressources ne permettaient pas de voyager. Les arts naissants, tels que le cinéma et la photographie, mais aussi le théâtre ont aussi permis de faire découvrir le monde. V. P.

Cote 4 T 887
Consulter sur le catalogue des bibliothèques des musées nationaux
Emily Black et Philippe Clerc, Collection du Crest. Artistes de l’école genevoise, Yves Micheli (préf.), Charles Pictet (notes), Genève, Éditions Notari, 2025.
Situé à Jussy, dans le canton de Genève en Suisse, le musée de la collection du Crest présente au public une centaine d’œuvres retraçant l’évolution de l’école genevoise sur trois siècles, depuis le XVIIIe siècle jusqu’au milieu du XXe siècle. Constituée par Yves Micheli depuis une soixantaine d’années, cette collection continue de s’enrichir et son catalogue nous permet de parcourir la totalité des peintures et des sculptures qui la composent. Les paysages qui entourent le musée, lac Léman et montagnes, sont les motifs récurrents des œuvres, mais des figures et des nus y ont aussi toute leur place. Des moins connus aux plus renommés, tel Ferdinand Hodler, le catalogue présente chaque artiste dans l’ordre alphabétique, permettant ainsi de les découvrir ou de les redécouvrir successivement, et d’établir des liens particuliers et sensibles entre les êtres et les espaces. L. B.

Cote 8 UP 147
Consulter sur le catalogue des bibliothèques des musées nationaux
Peter Wehrle (dir.), Provenance Research and the Art Trade, Karlsruhe, Ernest Rathenau Verlag, 2024.
Publié par la société de vente aux enchères Ketterer Kunst, sous la direction scientifique de Peter Wehrle, à l’occasion du 25e anniversaire des Principes de la Conférence de Washington applicables aux œuvres d’art confisquées par les nazis, cet ouvrage réunit des essais d’universitaires, de professionnels des musées et institutions ou encore d’organismes impliqués dans la recherche de provenance des œuvres d’art spoliées sous le nazisme. Il est conçu comme un guide destiné aux professionnels de la recherche en provenance mais aussi, ce qui est plus rare, à un public plus large qui serait désireux d’en appréhender les problématiques délicates et complexes. Il est augmenté de plusieurs cas d’études et présente les bases de données et les sources archivistiques disponibles. Cette volonté de diffusion auprès du plus grand nombre s’appuie sur la mise à disposition de tous les contenus, textes et illustrations, en ligne. L. B.

Cote 4 A 809
Consulter sur le catalogue des bibliothèques des musées nationaux
Darcy Grimaldo Grigsby, Colossal. Concevoir le canal de Suez, la Statue de la Liberté, la Tour Eiffel et le canal de Panama, Dijon, Éditions universitaires de Dijon, 2024.
Le XIXe siècle a été le théâtre d’une véritable compétition entre architectes, ingénieurs et même gouvernements pour tenter de marquer l’histoire en édifiant l’ouvrage le plus imposant. La tendance à la démesure architecturale a été amplifiée par l’apparition de l’usage de l’acier et du béton dans le domaine de la construction à la fin du XIXe siècle. Dans cet ouvrage, Darcy Grimaldo Grigsby nous montre comment les sociétés se sont laissées aller au gigantisme, grâce à plusieurs exemples de structures aux proportions déraisonnables. Il retrace ainsi l’histoire de la statue de la Liberté et de la tour Eiffel, mais aussi celle des canaux de Suez et de Panama, tout en questionnant les relations entre ces structures immenses et l’importance du capitalisme et de l’impérialisme, véritables moteurs de ces projets. L’auteur aborde également des exemples plus récents et encore plus monumentaux, qui chacun tentent de dépasser les records de hauteur précédemment établis. Il s’interroge notamment sur les représentations de ces constructions et sur la manière de rendre compte de leur taille, que ce soit en photographie, en gravure ou en caricature. J. G.

Cote 4 F 500 (1), 4 F 500 (2)
Consulter sur le catalogue des bibliothèques des musées nationaux
Célia Honoré, « Photographier les criminelles. Figures de la déviance féminine dans la culture visuelle de la modernité (France, 1855-1914) », thèse de doctorat en histoire de l’art, Giovanna Zapperi (dir.), Genève, Université de Genève, 2023.
Le XIXe siècle voit émerger la culture de masse à travers le développement de la presse et de la photographie. Il instaure également un rapport nouveau à la criminalité, en créant la police sous sa forme moderne, ou en développant une abondante littérature consacrée à la criminologie ; rapport traversé lui-même par des clivages inédits, parmi lesquels la différence entre les sexes, dont les rôles sont fortement redéfinis par la société bourgeoise.
Au croisement des études visuelles et des études de genre, la thèse de Célia Honoré articule une réflexion très fine sur tous ces bouleversements, en étudiant la représentation des femmes criminelles dans la photographie en France, de 1855 à 1914. Communardes, militantes, prostituées, bas-bleus, hystériques, femmes fatales, criminelles : elles incarnent une féminité non soluble dans les normes de genre, qui sera dès lors construite comme « déviante ». Cette perception est notamment façonnée par la photographie judiciaire et la photographie de presse. Célia Honoré souligne que les études féministes en photographie se sont surtout penchées, à ce jour, sur les femmes photographes, au détriment de l’iconographie féminine proprement dite, approche plus familière à d’autres pans de l’histoire de l’art ; son travail, nourri de recherches effectuées dans de nombreux fonds d’archives, constitue à cet égard un apport de premier plan. Cette thèse a été récompensée par le Prix du musée d’Orsay en 2025. A. B.
OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Centre de ressources et de recherche (9 octobre 2025). Sélection des bibliothécaires – octobre 2025. Le carnet des musées d’Orsay et de l’Orangerie. Consulté le 16 novembre 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/14vpy
